Un phare dans l'océan

Une éducation scientifique et initiation à l’entreprise


A vingt deux ans, Marc obtint son diplôme d’ingénieur car il excellait en mathématiques et en économie. Son diplôme généraliste lui permettait une approche critique sur à peu près tout. C’était parfait pour un homme qui se méfiait énormément des experts qui croient tout savoir sur à peu près rien en oubliant trop vite que la prochaine théorie remettra tout en cause.
Marc avait peu d’argent et son absence de débrouillardise ne lui permettait pas encore de découvrir le monde. Il avait vécu son enfance dans une bulle puis son amour avait envahi son quotidien. Il devait désormais apprendre à vivre en milieu hostile. L’entreprise allait être sa première étape d’apprentissage avant de connaître l’immigration clandestine. Son diplôme en poche, Marc devint consultant pour différentes sociétés. C’est là qu’il apprit à gérer un projet et des hommes.

Il fut choqué par l’inefficacité apparente et le désordre qui régnaient dans ces organisations humaines. Chacun défendait son bout de gras sans penser à la survie de l’entreprise ! L’affectation des ressources allait au plus convaincant, à la plus grande gueule sans qu’aucune stratégie claire ne soit connue de la base. On travaillait sur des projets qui n’avaient aucune chance d’aboutir car il fallait dépenser l’argent sous peine de ne plus en avoir l’année suivante. Certaines personnes en fin de carrière ou désabusées gardaient des responsabilités sans aucun rapport avec leurs compétences dépassées. D’autres étaient payées des milles et des cents à ne rien faire car elles ne plaisaient pas à leur chef… Bref l’entreprise était un monde chaotique dont l’efficacité pouvait facilement être améliorée. Tant mieux pour Marc qui allait avoir du travail pour trois ans !
A vingt cinq ans et après trois ans d’expérience, Marc avait la conviction que l’amélioration de la productivité était l’indicateur principal pour la survie des entreprises. Suivre cet indicateur permet d’éviter le gaspillage des ressources humaines et matérielles et de tirer profit des opportunités technologiques, fiscales... Mais cet indicateur ne peut pas être le seul car la survie des entreprises dépend de la qualité des concurrents, du marché, de la fiscalité, des évolutions technologiques, de la conjoncture économiques, du savoir-faire des commerciaux, des dirigeants, de la qualité et du design des produits… Bref l’entreprise évolue dans un milieu complexe et changeant. Elle doit toujours s’adapter au marché et à l’environnement technologique, fiscal, juridique, économique… L’organisation humaine qui fait tourner l’entreprise doit donc être flexible, informée des dernières évolutions, formée en continue, capable de définir une stratégie et de se remettre en question… tout en gardant une grande motivation pour faire un travail de qualité. Marc avait l’intuition que entreprise efficace évolue dans un désordre maîtrisé et que son organisation dépend des caractéristiques des hommes qui la constitue. Il n’y a pas donc pas de bonnes organisations et le désordre apparent est parfois signe d’efficacité!
Après le premier choc d’une entreprise inefficace, Marc avait compris à quel point, il était difficile et douloureux pour les employés d’évoluer sans cesse. Du coup, une entreprise dont la concurrence est réduite ne cherchera pas à faire mieux que ses concurrents. Dans le cas extrême d’un monopole, il est facile de comprendre comment l’entreprise devient chaque année un peu plus inefficace. Elle continue à fonctionner de manière identique sans prendre en compte les nouveautés capables de l’améliorer. Comment faire pour aider les entreprises à être efficace ?
Marc, malgré son jeune âge et sa faible expérience envisageait quelques pistes. La première était de distinguer les marchés où l’on pouvait mettre en place une situation de concurrence, de ceux où ce n’est pas possible. Là où la concurrence est permise, l’Etat s’assure en permanence que les conditions de la concurrence son respectées, puis il fait confiance au marché pour pousser les entreprises à se gérer au mieux.
Là où la concurrence n’est pas possible, par exemple la gestion des réseaux d’électricité, l’entreprise doit être nationalisée pour que l’argent revienne aux citoyens. Pour forcer les salariés-fonctionnaires à améliorer sans cesse le service aux utilisateurs, leurs salaires sont indexés sur les gains de productivité générés par l’entreprise et sur la qualité du service rendu. Par la suite, son expérience de l’entreprise allait être utile à Marc lorsqu’il aurait des responsabilités politiques. Il allait faire ce qu’il pensait en séparant le secteur privé, contrôlé par la concurrence, du secteur public, contrôlé par les gains de productivité.
Marc avait été confronté à la bêtise de l’administration française qui fait des lois justes mais d’une complexité sans nom pour être mises en place dans les entreprises. L’Etat, au lieu d’être un facilitateur, était devenu un complexificateur ! On payait cher pour ses services et en retour, il compliquait la vie. Il fallait payer deux fois. La première était l’impôt, la seconde des projets pour rattraper la sottise d’une administration vivant dans une tour d’ivoire. Les autres pistes imaginées par Marc étaient tirées de cette expérience avec un Etat qui finance tout ce qu’il impose. L’entreprise doit s’assurer de la qualité de l’eau qu’elle évacue ? L’Etat finance le capteur et assure le contrôle. L’entreprise veut faire de l’optimisation fiscale ? L’Etat fait l’étude … Bien sûr les sommes dépensées pour appliquer les directives se déduisent des revenus de l’Etat avec comme impact direct une diminution des bénéfices servant à payer les primes des fonctionnaires. L’Etat, au service de ses citoyens, doit donc toujours réfléchir au coût induit avant d’écrire des procédures sans quoi les fonctionnaires auront des primes réduites. Ce principe où l’Etat finance ce qu’il impose serait mis en place par Marc lorsque ses responsabilités politiques le lui permirent mais pour l’instant il était incapable d’établir les règles de fonctionnement car il ne fallait pas, en contre partie, décourager l’initiative des fonctionnaires voulant protéger la nature ou la santé sous prétexte que cela coûte de l’argent. Les règles de l’Etat qui finance ce qu’il impose seraient établies une quinzaine d’années plus tard, mais n’anticipons pas et revenons à Marc !

En trois ans Marc avait beaucoup grandi. Il avait géré des équipes, fait des projets humainement difficiles, car préparés en collaboration avec les personnes qui allaient perdre leur emploi du fait même du projet, créé son entreprise et entrevu la complexité de l’Etat. Il était devenu débrouillard et pouvait désormais se confronter aux autres cultures.


Article rédigé par: Julien Bourlon le 07/02/09
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