Un phare dans l'océan

Marc Couturier prépare sa contre offensive


Après l’épouvantable mois d’avril, Marc devait absolument donner une nouvelle dynamique à Hope. Le premier mai était un jour traditionnel pour les discours et le président voulait profiter de l’occasion pour redonner un nouvel élan pour l’élargissement du pays dont le oui dans les sondages ne représentait plus que 40% des intentions de vote. Il fallait aussi rassurer les investisseurs, car même si Hope commençait à s’autofinancer, les trente-quatre prochaines villes demanderaient l’apport de capitaux privés pour être construites. Il invita son vieil ami Richard Dormal pour affûter ses propos qui devaient viser juste. Il aimait beaucoup discuter avec cet homme trois fois divorcé, aux joues rougies par les excès en tout genre, car il était honnête sans être blessant. Leur rencontre remontait à 2009 en Thaïlande lorsque Marc avait fait un voyage autour du monde pour préparer son programme politique. Richard avait initié le jeune français aux plaisirs de ce magnifique pays et le contact avait perduré malgré la faible disponibilité du jeune président. Richard Dormal avait très vite crû en lui, sachant l’encourager dans les moments difficiles ou le faire revenir sur terre quand il était trop euphorique. Puis l’estime avait fait place à une amitié fidèle, qui se relevait une fois de plus dans ce moment difficile où certains accusaient Marc d’avoir mis la France à feu et à sang.

- Alors Richard, comment va ma sécurité ?
- Nous n’avons pas encore coincé celui qui a voulu te tuer mais nous avons désormais la preuve qu’il s’agissait de Jasur Pivelov. Mis à part ce tueur qui court dans la nature, je n’ai pas beaucoup d’autres menaces, surtout depuis que l’élargissement de Hope est au plus bas dans les sondages. Il y a toujours les intégristes religieux qui sont imprévisibles, mais nous avons à faire à des fous et je n’ai pas de solution miracle.
- Bon il faudra bien mourir de quelque chose. Sinon pour reprendre l’offensive, je pensais rappeler les bienfaits de Hope et montrer les nouvelles perspectives, notamment en termes écologiques. L’hiver qui n’en finit pas tracasse énormément les gens qui constatent que l’on continue de toujours plus polluer. Or avec Hope, nous disposons d’une entreprise qui produit de l’énergie solaire au Sahara, mais malgré les milliards que nous investissons chaque année, nos recherches avancent peu : le rendement des panneaux solaires commence à être correct, le stockage de l’énergie pour la consommation de nuit est problématique et la pollution générée par la production des panneaux n’a toujours pas été améliorée. Bref, je ne peux pas présenter les résultats sous cet angle, aussi je vais le faire de manière complètement révolutionnaire. Le directeur de l’entreprise voit son mandat être reconduit dans six mois. Or d’après les lois de 2022, l’élection du dirigeant est faite à parts égales entre les salariés et les actionnaires qui sont le peuple de Hope. On peut penser que le futur dirigeant du groupe d’énergie fera campagne sur les promesses d’investissements dans des énergies renouvelables car les gens sont extrêmement sensibles à ce sujet. Ainsi notre ménagère de moins de 50 ans qui votera, aura l’impression de choisir sur ces enjeux de société.
Marc Couturier marqua une pause pour connaître la réaction de Richard Dormal
- C’est très démagogique mais ça peut fonctionner. C’est vrai que Hope est un pays au service de ses citoyens car ceux-ci ont le pouvoir de décider sur tous les sujets. Tu peux axer une partie de ton discours la dessus mais il faut aussi que tu montres qu’il y a réellement une nouvelle donne économique. 80% des gens travaillent encore pour des entreprises privées sans bénéficier des nouveaux contrats qui font d’eux des actionnaires ou des indépendants. Les gens s’impatientent un peu.
- Peut-être dois-je insister sur les agences de l’état qui font la comptabilité des entreprises, la politique RH ou la fourniture d’infrastructures dernier cri avec le téléphone ou l’Internet gratuit pour les entreprises car le gouvernement de Hope le paie directement à la France… Nous avons aussi une centaine de franchises différentes pour les gens qui veulent entreprendre dans un cadre sécurisé et nous prêtons même de l’argent à des taux très compétitifs avec une gamme très large, allant jusqu’au micro crédit. D’après les études, il faut dix minutes pour créer son entreprise à Hope, sachant qu’ensuite tout l’administratif est calculé automatiquement avec la possibilité de faire des simulations. Ce n’est quand même pas sorcier de devenir entrepreneur à Hope !
- C’est vrai mais les gens trouvent que notre société est trop marchande avec trop de place au commerce.
- Je pourrais peut-être signaler qu’il n’y a aucun panneau d’affichage, que les publicités télé ne peuvent pas dépasser 5 minutes par heure, que l’on peut être payé en congé ou en salaire, que l’entretien RH est géré par l’état, de manière à proposer des opportunités à l’individu au lieu de toujours penser à l’entreprise… Et puis, nous avons le système de remerciement des bénévoles qui ne donne pas de l’argent, mais des mercis, des sourires, de la chaleur humaine. L’économie marchande, nous en avons besoin pour payer certains services et redistribuer ainsi les richesses. Quand nous payons un forfait annuel aux maisons de disque pour que nos citoyens aient droit d’écouter légalement toute la musique du monde, quand l’éducation est gratuite, quand nous avons une justice gratuite, une franchise très faible pour les médicaments ou dix litres d’eau par jour et par personne gratuit, est-ce que c’est marchand tout ça ?
Richard secoua la tête pour montrer son accord.
- Il faudra que tu le dises. Sinon, on nous reproche d’avoir mis la productivité comme critère principal de gestion des entreprises. Or le discours est parfois mal compris avec des gens qui rappellent qu’ils ne sont pas des machines.
Marc Couturier essayait de réfléchir en même temps :
- Si nous ne mettons pas la productivité au cœur de nos entreprises, nous allons nous faire dépasser par les autres nations et nous n’aurons plus de travail et donc plus de richesse. Je crois sincèrement que les gens comprennent l’importance de ce critère. Il ne faut pas les prendre pour des cons !
Richard secoua les épaules pour montrer à Marc qu’il ne partageait pas son point de vue. Il connaissait le président et savait qu’il comprendrait son langage corporel pour se remettre en question. Richard lança le sujet suivant sur lequel les critiques étaient virulentes :
- De nombreuses personnes trouvent que l’accueil des immigrés est un peu rude avec en moins de deux semaines, 80% des gens qui ont un emploi et le démarrage des cours de français dès les premiers jours.
Marc se grattait le front. Toutes ces règles avaient été débattues sur le site web de son parti politique « France pour tous » et même s’il en était l’inspirateur, elles avaient été décidées démocratiquement. De plus, il les trouvait vraiment nécessaires.
- Ces règles sont strictes mais je crois que nous n’avons pas le choix. De nombreux immigrés arrivent en pensant que Hope va tout leur donner gratuitement et il est très important de tuer cet espoir dans l’œuf. Les 5% de personnes qui échouent pendant ce premier mois sont un mal nécessaire pour faire comprendre que l’on ne peut recevoir que si l’on donne quelque chose. Mais penses-tu que nous devons changer les règles pour l’élargissement des trente-quatre prochaines villes ?
Richard secoua la tête.
- Sûrement pas, changez la culture des gens est quelque chose qui prend du temps et nécessite des mesures fortes. Les communistes ont fait 80 millions de morts pour ça, la France de 1789 en a fait pas mal. Bref, on peut dire que les méthodes de Hope sont particulièrement douces quand on sait que les trois quarts des gens qui arrivent ont toujours été des assistés. Par contre, il faut que tu communiques sur ce sujet car les gens ont oublié d’où ils venaient.
Richard marqua une légère pause puis reprit :
- Un autre point, certains trouvent qu’il y a trop de place au divertissement avec le sport, les spectacles ou les associations. Bref ils sont sans cesse dans l’action et ne voient pas le temps qui passe. Ils aimeraient une vie plus calme, plus relaxe, peut-être plus spirituelle.
- Les gens veulent tout et leur contraire. J’avais lu Pascal quand j’étais en Australie et il remarquait que si les hommes sont par nature insatisfaits, ils ont en revanche une grande facilité à s’occuper l’esprit et ainsi oublier leur malheur. Il prenait l’exemple de la chasse ou du billard. Quoi de plus ridicule que de taper dans une boule ? Pourtant, ça nous captive et le temps du jeu, nous oublions que nous sommes malheureux. Les religions asiatiques avaient fait le constat que l’homme est par nature malheureux bien avant la naissance de Jésus Christ. L’occident assouvit ses passions pour oublier son malheur quand l’Asie tente de vaincre ses passions pour essayer d’atteindre un état de sérénité ou de bonheur. Nous n’avons rien inventé de neuf depuis des centaines d’années sur ce sujet et je pense qu’il appartient à tout un chacun de trouver son chemin vers le bonheur. A Hope, chacun peut choisir sa voie et même en changer plusieurs fois dans sa vie. Un besoin de méditation et vous allez à Spirit, un besoin de divertissement et vous allez à New Vegas sachant que ces deux villes ont pour objectif d’ouvrir des franchises « petit canard » et des monastères dans toutes les autres villes de Hope. Que peut-on faire de plus ? A l’école, les élèves apprennent à être libres. C’est une grande nouveauté dans l’histoire des hommes ! Mais après, à chacun de réaliser son destin…
Marc s’arrêta de discourir et regarda son ami.
- Vois-tu d’autres sujets qui tracassent les gens ?
- La stérilité qui a fortement augmenté à cause des pesticides.
L’agriculture était restée française et Hope avait donc choisi de réguler la production avec la mise en place de contrôles et de labels pour informer les utilisateurs de ce qu’ils achetaient. Le prix des denrées alimentaires était fixé par une commission qui les rachetait à un prix convenu aux agriculteurs de Hope. Les fermiers français qui possédaient les fermes et donc les moyens de production, payaient les travailleurs de Hope un pourcentage de leur production, que ce soit du lait, des vaches ou du maïs et c’est pourquoi le nouveau pays se nourrissait sans problème malgré la faiblesse de sa monnaie, qui ne lui permettait pas d’importer les bananes ou les mangues vendues trop chères. Par contre, le nouveau pays ne pouvait pas demander aux agriculteurs français de changer leurs techniques de production et c’était bien dommage car les nappes phréatiques étaient profondément atteintes. Du coup, même ceux qui mangeaient bio étaient affectés et le nombre de personnes stériles inquiétait énormément. Marc Couturier était impuissant pour lutter contre la dégradation des nappes phréatiques à cause de la liberté dont disposent les agriculteurs français pour organiser leur production. Il s’entraîna néanmoins à défendre les actions qui avaient été mises en œuvre.
- Que l’agriculture ne soit pas nationale, ça ne me dérange pas car contrairement à l’énergie, il y a une vraie concurrence. Du coup, le consommateur choisit le type d’agriculture qu’il veut en faisant ses courses et suivant son porte-monnaie, il peut choisir de favoriser les agriculteurs qui font du bio. Hope a mis en place un système d’étiquetage identique pour tous les produits et ainsi le consommateur peut choisir en toute connaissance de cause.
Il marqua une pause.
- Pas très concluant. Je fais vraiment mon politique en éludant les sujets qui fâchent ! Bon peut-être dois-je parler du laboratoire pour les médicaments qui tentent de trouver des solutions pour lutter contre la stérilité ?
Richard sourit.
- Les gens ne veulent pas prendre des pilules, ils veulent manger sain pour ne pas être stérile. Il faut absolument que tu tiennes ce discours même si cela ne doit pas empêcher de poursuivre le plan d’investissement sur le problème de la stérilité.
- Pour que les gens s’approprient le sujet, nous pouvons les faire voter le budget d’investissement du laboratoire des médicaments ? Au moins, nous les responsabilisons et ils ne peuvent plus se plaindre que les politiques ne font rien puisque ce sont eux les politiques ! En quelque sorte, on leur donne le bébé… Comme pour les énergies renouvelables, je vais essayer de m’en tirer comme ça. Hope, la société où les citoyens possèdent les moyens de production et choisissent de leur avenir en votant les politiques d’investissement. Mon discours tournera autour de cette idée.
Richard reprit :
- Le point crucial où tu es attendu reste la sécurité.
- Je sais mais depuis que l’on a déployé l’armée française et mis en place un couvre feu temporaire, je ne sais pas ce que nous pouvons faire de plus.
- Annonce les résultats de la dernière semaine avec 75% de morts en moins. Et puis, fais rêver ton auditoire car il y a aussi des points forts reconnus par tous, avec la vie en dehors du travail qui reste particulièrement appréciée. Tu dois en parler car Hope c’est aussi le bien vivre qui passe par le partage de valeurs communes, le sport, des lois qui protègent les hommes, la propreté, la distraction, la spiritualité… et Hope apporte à chaque fois des réponses originales.
- Tu as raison, je raconterai peut être une histoire qui mettra en scène tout ces aspects avec notamment les maisons de jeunes qui marchent bien, les amphithéâtres où les citoyens se retrouvent pour discuter des lois, ou la naissance de notre culture basée sur le mélange des peuples.
Cette discussion avait permis à Marc de voir les enjeux. Il lui restait à écrire son discours.


Article rédigé par: Julien Bourlon le 22/06/09
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