Un phare dans l'océan

Une société de plus en plus inégalitaire


22 ans qu’un club français n’avait plus été en finale de la ligue des champions et en 2015 Marseille s’invita à la fête. Victor avait invité une dizaine d’amis pour regarder le match en ayant pris soin qu’aucune femme ne soit là. Personne ne voulait entendre leurs commentaires déplacés au moment où l’intensité monterait d’un cran.

A dix minutes du coup d’envoi les pronostics allaient bon train et la bande de trentenaires savourait pleinement cette affiche Marseille-Milan qui fleurait bon leur jeunesse avec la finale gagnée par Marseille sur une tête de Boli en 1993. Sur les trente litres de bières prévus, quatorze avaient été bus et l’alcool aidant, les hommes se mirent à sortir leur sifflet et autre trompette pour faire plus de bruit que les personnes présentes dans l’enceinte du stade. Le premier but de Marseille fut salué dans tout l’immeuble, le deuxième aussi et lorsque le club français mis le troisième but à dix minutes de la fin, tout le monde chantait « Et un, et deux et trois zéro ». Cette joie flairait bon 1998 quand la France avait battu le Brésil sur ce même score pour devenir « Champion du monde ».
Après la victoire, Jean, un fervent défenseur de Nicolas Sarkozy, salua son président pour avoir eu l’audace de baisser les charges sur les salaires des footballeurs ce qui avaient permis aux clubs français de recruter des joueurs de niveau international et ainsi d’élever le niveau de la ligue 1 qui était jusque là très médiocre. La victoire de Marseille couronnait la réussite de cette politique de baisse des charges sur les footballeurs.
- Merci Sarko, pour ce bon moment, dit Jean en levant son verre
Julien répondit par un sarcasme
- Je ne l’ai pas vu sur le terrain !
- En attendant, c’est grâce à lui que nous avons une équipe de Marseille compétitive, capable de battre le « grand » Milan
Julien finit son troisième litre de bière avant de répondre
- Le problème c’est que comme à chaque fois, nous baissons les impôts des riches. Du coup, qui paie pour le manque à gagner ? Ceux qui n’ont pas les moyens d’aller à l’étranger ou qui n’ont pas de régime particulier comme les footballeurs, à savoir les classes moyennes.
Jean répondit du tac au tac.
- Tu nous fais chier avec ton socialisme à deux balles. Tu pourrais quand même remercier Sarko pour ce moment de bonheur !
Julien reprit quelques cacahouètes pour répondre avec calme.
- Premièrement, je ne suis pas socialiste et ensuite je t’explique comment la mondialisation est en train de te niquer avec des riches qui disposent de niches fiscales pour les garder sur le territoire et des classes moyennes qui paient pour le manque à gagner. Il y a une quarantaine d’années, les riches français étaient domiciliés en France et payaient leurs impôts de manière à assurer une meilleure répartition de la richesse entre les personnes favorisées et ceux qui le sont moins. Ainsi, leurs impôts permettaient de payer une justice, une police ou une éducation sensée être la même pour tous. L’égalité des chances existait au moins en théorie, mais aujourd’hui, si le gouvernement ne baisse pas les impôts pour les riches, ceux-ci quittent le pays pour se domicilier là où l’imposition est la moins élevée. Les footballeurs ne sont que le sommet de l’iceberg car effectivement la mondialisation que les lobbies ont construite ne nous laisse pas le choix. Sarko a fait la seule chose sensée en baissant les charges des footballeurs et il a fait de même pour garder les riches sur notre territoire avec dés 2009 le bouclier fiscal, puis toutes les lois qui ont suivi. La France a besoin de garder ses riches sur son sol pour faire tourner le commerce et nous pouvons remercier Sarko d’en avoir gardé quelques uns. Mais Sarko n’est pas le seul à faire des cadeaux puisque tous les pays sont rentrés dans une compétition sans fin pour attirer les fortunes, avec par exemple, Dubaï où l’impôt sur le revenu n’existe pas. Cette surenchère pour attirer les riches entraîne une baisse de leur impôt et donc une redistribution des richesses des gens favorisés vers les plus pauvres qui n’existe plus.
Julien se resservit une bière avant de finir son discours
- La mondialisation, ce n’est pas que des voyages à l’autre bout du monde qui permettent de s’ouvrir l’esprit, c’est aussi une concurrence entre les états pour attirer les riches et donc une baisse inévitable de leur imposition avec des riches toujours plus riches et des pauvres à qui l’on retire petit à petit tous les avantages sociaux. C’est la fin d’un rêve d’une certaine équité sociale.
- Bravo Einstein ! répondit Jean qui n’avait rien d’autre à répondre face à cette belle démonstration sur le coté noir de la mondialisation.
Victor renchérit
- Ce qu’a dit Julien sur l’imposition des riches en diminution constante est vrai également pour les entreprises, à cause d’une mondialisation créée pour elles au lieu d’être créée pour les hommes. Prenons l’Union Européenne qui jouissait d’une grande popularité dans les années 1980, elle est désormais de plus en plus haïe par le peuple qui ne supporte plus que leurs politiques leur disent « Ce n’est pas notre faute, c’est à cause de l’Europe ». Et oui, si la Pologne préfère un système où l’éducation est payée par les gens au lieu d’être payée par l’état, cela lui permet de baisser l’imposition des entreprises, ce qui attire les investissements de toutes celles qui vendent sur le marché européen. Du coup, la France qui a besoin d’entreprises pour créer de la richesse, s’aligne sur la Pologne et avec un marché commun de plus de trente pays, il y en a toujours un pour baisser un peu plus l’imposition et petit à petit la solidarité disparaît. Heureusement ça prend du temps !
Jean commençait à s’énerver.
- Si nous n’avons pas invité les gonzesses, c’est pour être peinard et savourer la victoire de Marseille. Si vous continuez à nous emmerder avec votre politique à deux balles, je vous conseille de rejoindre les femmes !
Julien et Victor s’excusèrent et la conversation redevint plus joyeuse dès lors qu’ils se remirent à refaire le match mais cela ne retirait rien aux arguments des deux voisins qui expliquaient en partie pourquoi les classes moyennes s’appauvrissaient de plus en plus, pendant qu’une poignée d’individus devenait immensément riche.


Article rédigé par: Julien Bourlon le 12/07/09
Ce document n'a jamais été modifié
";

Page : 1/1


Article par page

Modifier article
Imprimer article
Exporter article
Commenter

0 commentaire


Notez le !
1 2 3 4 5


Notes : 3,0/5


Personnes ayant
 - vues l'article : 2498
 - votées : 15