Un phare dans l'océan

Ai-Li Martin défend les droits des puissants


Ai-Li Martin avait rendez-vous avec Marc pour un déjeuner privé dans un restaurant trois étoiles de Paris. Elle avait un accès direct au président car elle faisait partie de ces personnalités peu connues du grand public mais qui dispose d’un pouvoir considérable. Un manque de scrupule couplé à une grande intelligence lui avait permis de faire fortune sur les marchés financiers avant de devenir directrice financière, poste où elle avait obtenu ses gallons dans le monde des très riches, en faisant gagner des dizaines de millions d’euros à quelques dizaines de ses responsables. La société pour laquelle elle travaillait, avait mille deux cents filiales en Europe. Elle créa une maison mère au Luxembourg qui possédait tous les biens immobiliers des filiales, qui se mirent à verser des milliards en frais de location. La cinquantaine de directeurs qui étaient salariés de la holding se partagea le magot. Quand les actionnaires comprirent qu’ils s’étaient fait flouer par leurs propres employés, elle négocia un parachute doré puis fonda sa société de conseil fiscal où elle compta très rapidement tous les principaux patrons du CAC40. Depuis lors, elle était devenue incontournable dés qu’il s’agissait de chercher des financements français.

Quand il vit arriver Ai-Li avec dix minutes de retard, le président français se leva pour la saluer :
- Tu es toujours aussi belle Ai-Li. Tu apprivoises le temps qui passe aussi bien que les hommes.
- Merci. Fit-elle, en lui faisant la bise.
Elle avait 44 ans mais son physique d’asiatique toute menue n’avait pas la moindre ride avec des cheveux noirs éclatants. Après la commande des menus, Marc alla droit au but.
- La ville Sphères se porte bien avec déjà 300 000 personnes qui sont arrivées dont une bonne partie à déjà du travail, mais il faut absolument que de nouvelles entreprises françaises s’installent car nos entreprises sont sous-représentées. Que faut-il faire pour convaincre les patrons français ?
- Tu dois libéraliser les services publics car mes amis ne voient pas d’un bon œil, les entreprises nationalisées. Ils craignent que tes entreprises soient très performantes avec des employés payés sur les gains de productivité. Si ces entreprises fonctionnent, il est probable que la population française souhaite un retour aux nationalisations comme en 1981 et cela fait très peur à mes amis. Pourquoi ne pas tout libéraliser, le système a fait ses preuves ?
- Tu sais bien que cela n’est pas négociable. J’ai passé un accord avec les français avec les dividendes de ces entreprises pour payer la dette sociale
- Depuis quand les politiques tiennent leurs promesses ? Libéralise en douce et je te conseillerai pour acheter les actions des entreprises qui gagneront les futurs marchés. Tu deviendras immensément riche le plus légalement du monde !
- Ai-Li, tu sais bien que je fais partie de ces idiots d’idéalistes et à 38 ans, je crois que je ne changerai plus. Par contre, j’ai les Allemands, les Japonais et les Chinois qui me proposent d’ouvrir des entreprises à Hope. Comme je suis patriote, je voulais te demander de faire ton travail auprès de tes amis patrons pour qu’ils investissent en priorité à Hope. Tu sais que vous allez gagner des millions avec une main d’œuvre bon marché située au cœur de l’Europe.
Ai-Li ne répondit pas mais souleva légèrement sa jupe pour laisser deviner ses jambes parfaites. Tout était dans la suggestion et avec l’expérience, elle savait ménager ses effets. Marc regarda sans la moindre gêne, puis reprit très calmement :
- Désolé Ai-Li mais je préfère les jeunes entre vingt-cinq et trente ans. Dis-moi plutôt si vous êtes prêts à investir à Hope ou si je signe dès cet après midi les contrats avec les entreprises étrangères.
AI-Li voulait absolument gagner quelque chose et si la libéralisation des marchés monopolistiques de Hope n’était pas possible, peut-être pouvait-elle obtenir la suppression du laboratoire qui fixait le prix des médicaments ou la suppression de la loi qui disait qu’une personne d’une entreprise nationale ne pouvait pas recevoir plus de vingt fois le revenu du salarié le plus faiblement payé de l’entreprise.
- Comment pourras-tu recruter des patrons compétents si tu les paies au lance-pierre ?
- 20 fois le SMIC, c’est ce que je gagne. A ce prix là, je n’ai aucun problème à trouver des gens compétents et avec la dématérialisation totale de la monnaie, nous contrôlons tous les salaires qu’ils soient versés en dividende ou en fixe. Pas de risque de fraude !
- Et avec de telles mesures, tu me demandes pourquoi les patrons français rechignent à investir ?
- Il y a le système privé partout où la concurrence est possible avec les salaires qui ne sont pas régulés. Pour l’instant tu pourras encore faire le coup de ton évasion fiscale au Luxembourg car je ne veux pas effrayer les personnes qui ont du capital.
- Pourquoi as-tu fait cette loi sur les salaires des entreprises publiques ?
- Question d’éthique. Le patron d’une entreprise nationalisée n’a pris aucun risque puisque ce n’est pas son argent. Quand on ne prend aucun risque, il n’y a pas de raison de gagner des fortunes.
Ai-Li était ennuyée. Elle n’avait rien obtenu et ils étaient déjà au dessert.
- Marc, il faut que tu me donnes quelque chose pour que j’aille voir les patrons et les convaincre d’investir à Hope.
- Tu pourras leur dire que s’ils ne me donnent pas de réponse avant la fin de la semaine, je signe avec leurs concurrents. Un truc, ceux qui investiront dans le recyclage de leurs produits pour les revendre à Hope feront fortunes. Les habitants de Hope sont des consommateurs sans argent mais ils seront heureux d’acheter les voitures ou les télévisions que les français ne veulent plus.
Ai-Li ne répondit pas mais posa une question qui n’avait rien à voir.
- As-tu rendez-vous après notre repas ?
- Je reste maître de mon emploi du temps. Pourquoi ?
- Que dirais-tu de faire l’amour ?
Marc Couturier savait que cette belle asiatique souhaitait obtenir par le sexe ce qu’elle n’avait pas eu par la discussion. Il était dangereux d’accepter mais c’était justement pour cette raison qu’il décala ses futurs rendez-vous. Après l’acte charnel, le jeune président repartit complètement vidé de toute énergie. « Attention, se dit-il, tu joues sur un terrain glissant ». Pour autant, il n’avait rien cédé et elle lui avait fait la promesse que les patrons français investiraient à Hope pour ne pas se faire distancer par leurs concurrents.


Article rédigé par: Julien Bourlon le 01/06/09
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