Un phare dans l'océan

Jasur arrive à Hope


Jasur arriva le vendredi 15 février 2019 à Limoges. Il avait voyagé dans un avion affrété par la France en compagnie de deux cents Ouzbeks désireux comme lui de quitter leur pays où il n’y avait pas de perspective d’avenir. Le lendemain, Jasur arriva à Sphères en compagnie de 50 000 autres immigrants venus de tous les endroits du monde. La seule sphère construite de la ville se voyait à des kilomètres à la ronde tellement elle était gigantesque. Pendant les dix derniers kilomètres qui le menaient à l’entrée de la ville temporaire qui comptait déjà 300 000 personnes, Jasur fut captivé par les quantités d’acier et de verre qui se mélangeaient harmonieusement pour former l’immense bâtiment. Quand il fut assez près, il constata que cinq nouvelles sphères étaient en construction avec des milliers d’ouvriers qui se pressaient sur le chantier et qu’un stade de 50 000 places trônait à l’ouest de la ville. Son bus s’arrêta enfin devant un grand dortoir de mille places où toutes les personnes du véhicule furent invitées à s’installer pour passer la nuit. Le lendemain, ils avaient rendez-vous à 8h30 dans le stade de Sphères et d’ici là, ils pouvaient se promener dans la ville s’ils ne dérangeaient pas les ouvriers qui travaillaient. Ils reçurent également une oreillette à mettre pendant le discours du président français qui leur permettrait de l’écouter dans une des trente langues majeures.

Une grande clameur se fit entendre lorsque Marc Couturier arriva vers 9 heures dans le stade de Sphères. Les applaudissements retentissaient, une fanfare jouait, des drapeaux s’agitaient et le nom de Marc était scandé par la foule. D’homme politique, le président français était devenu l’espace de son discours, une rock star adulée des fans. D’un grand geste, il demanda le silence mais les gens étaient heureux d’être là et ne voulaient pas se taire. Marc Couturier souriait, jouait avec la foule, puis après quelques minutes de communion, il fit un geste plus autoritaire pour rétablir le silence. Il pouvait désormais parler et se mit à hurler :
« Mes amis. Bienvenue à Hope !»
Tonnerre d’applaudissements avant que le silence ne s’établisse de nouveau.
« Merci à tous d’être là. Aujourd’hui est votre seconde naissance ! Votre seconde vie a déjà commencé en entrant dans ce stade, alors, qu’elle soit longue et heureuse. Soyez libres, soyez créatifs, soyez contagieux pour partager vos connaissances et votre bonheur avec votre nouvelle patrie. Un monde nouveau se construit ici. Transformez l’espoir du monde qui rêve de paix, de liberté, d’équité, de fraternité en une réalité. Soyez le phare du monde qui éclaire le chemin vers l’épanouissement. »
Marc avait élevé sa voix pour prononcer sa dernière phrase afin de provoquer de nouveaux applaudissements. Ceux-ci étaient nourris car les gens comprenaient que ce jour était important pour eux, pour la France et pour le monde. Marc reprit de sa voix puissante
« Réinventons la vie en société, réinventons l’économie au profit du mieux-être et du mieux-vivre. Vous êtes l’ambition du monde ! Alors soyez fiers et relevez le défi. Puisez votre énergie dans le regard de vos enfants, n’abandonnez jamais car la vie est merveilleuse et demande que vous donniez le meilleur de vous-mêmes.
Hope est là pour vous aider. Vous aurez le meilleur système éducatif du monde, le meilleur système judiciaire, la liberté de la presse, un métier avec une formation continue pour progresser, les meilleures lois, les meilleures infrastructures, une administration très simple où tous les services sont dématérialisés, un impôt juste qui favorise les meilleurs d’entre vous mais redistribue également les richesses pour une vie équitable. Hope vous donne car Hope vous aime. Aimez Hope et faites vivre ce système ! »
Tonnerre d’applaudissements avant que Marc reprenne d’une voix grave
« Hope c’est vous. Ce que Hope donne, vous le donnez. Les abus ne seront pas possibles car vous allez vous donner les moyens de les réguler. Hope est votre avenir, à vous de le rendre rayonnant »
Marc fit une pause. Regarda la foule.
« Hope vous a construit des maisons, des routes, des chemins de fer et vous aurez des emplois. Au début, vous habiterez dans une ville temporaire, le temps que vous trouviez un poste et que la ville soit construite. Ensuite vous choisirez votre propre appartement pour le louer ou l’acheter. Bien sûr, vous pourrez rester dans la ville temporaire aussi longtemps que nécessaire et changer plusieurs fois d’emploi. Dernière chose importante. Vous venez de tous les pays du monde… Là est votre richesse ! Hope va favoriser votre insertion en vous apprenant une langue commune : le français. Vous passerez un test cette semaine pour évaluer votre niveau. Si votre score est suffisant, vous serez dispensé de cours de français sinon vous serez affecté à un groupe avec présence obligatoire. Vous serez affranchis des cours, le jour où votre score au test de français sera satisfaisant. Apprendre une nouvelle langue demande un an d’effort pour un débutant alors bonne chance. »
Marc se tut, sourit puis d’un grand éclat de voix :
« Hope est le plus bel endroit du monde ! Rendez le festif et que la fête commence »
Un groupe de rock fit son entrée sur scène en même temps qu’un spectacle pyrotechnique sur fond noir commençait. La foule retrouva sa joie de vivre après qu’elle eut compris que le travail n’était pas une option, pas plus que l’apprentissage du français. A Hope, on n’aurait rien sans rien et il faudrait donner quelque chose à la communauté pour que celle-ci donne autre chose en retour.

Deux heures plus tard, des bus attendaient les cinquante mille personnes pour évacuer le stade et les emmener vers les amphithéâtres où les français en charge de leur accueil les attendaient. Les gens devaient prendre un bus particulier car la constitution des amphithéâtres avait été faite de telle sorte que les personnes en leur enceinte soient complètement mélangées avec des indiens, des chinois, des africains, des arabes, des américains… Ces multiples assemblées étaient le symbole de la future démocratie qui verrait progressivement le jour à Hope.

Jasur s’installa au premier rang entre Taka, un japonais de trente ans et Hector un philippin de cinquante-cinq ans. Ils se sourirent mais n’ayant pas de langue commune, aucune communication ne put commencer. L’officiel français de quarante-deux ans s’appelait Mohamed. Une fois les gens désaltérés par les boissons, il leur montra comment utiliser l’écran tactile dont disposait chaque siège et qui affichait dans la langue souhaitée toutes les phrases qui étaient prononcées dans l’amphithéâtre. Grâce à cet écran, les gens pouvaient échanger car l’ordinateur connaissait toutes les phrases et savait les traduire dans toutes les langues.
Mohamed demanda à chacun de mettre son casque et de choisir sa langue, puis lança la vidéo de bienvenue. La moitié de l’assemblée ne savait pas lire et l’écran traducteur n’était pas suffisant. En l’espace d’une demi-heure, la vidéo montrait comment la ville était organisée avec les quartiers résidentiels, les magasins, les usines, les parcs, les plages, les lieux nocturnes… Puis elle expliquait comment se dérouleraient les journées suivantes avec notamment le test de français et le processus de recrutement pour exercer un emploi. La vidéo se poursuivait avec la présentation des différentes associations de la ville, avec notamment le club de foot, de cricket mais aussi la bibliothèque ou la salle de jeux vidéo. Enfin, elle se terminait en annonçant une énorme fête le soir avec la venue de Bono. Le chanteur du groupe U2, enchanté par la création de Hope, avait proposé de faire une série de vingt concerts gratuits pour accueillir tous les dimanches, les 50 000 nouveaux habitants de Hope.
La vidéo s’arrêta et la lumière fut rallumée. Après avoir répondu aux questions sur l’école des enfants, l’inscription aux clubs de foot et éludé la question sur les emplois, Mohammed éteignit la lumière puis lança une deuxième vidéo. Celle-ci expliquait qu’il n’y avait pas de monnaie papier et que tous les achats seraient faits via une carte bleue que Mohammed leur distribua. Ils étaient tous crédités d’un montant de cinq cents euros hopiens par membre du foyer ce qui devait leur permettre de vivre le premier mois. Il avait donc trente jours pour trouver un travail sous peine de ne pas pouvoir se nourrir ni se loger sauf à aller dans le foyer d’aide à l’insertion et à la cantine publique où les prestations gratuites sont médiocres. Outre la monnaie d’échange, cette deuxième vidéo présentait le planning de la construction de Sphères avec la fin du gros des travaux prévue pour le 20 décembre 2019. D’ici là, les habitants disposant d’un emploi, s’installeraient progressivement dans les sphères construites. Les personnes prioritaires pour s’installer seraient les familles, les vieux et les personnes travaillant à Hope depuis le plus longtemps.

A la fin de la réunion, les nouveaux habitants de Hope reprirent le bus pour rejoindre la ville temporaire. Jasur était épuisé par toutes ces informations et dès que le bus s’arrêta devant le quartier « Arc en ciel » de la ville temporaire, il alla directement à la réception pour récupérer sa chambre pour les prochaines nuits. Celle-ci lui fut donnée pour dix euros hopiens quotidien qu’il paya avec sa nouvelle carte bleue. Il monta les escaliers puis une fois dans sa chambre, prit une douche et s’allongea sur son lit. Dans le bus il avait fait la connaissance de Jason, un américain et de Sarvar, un compatriote ouzbek avec qui il prévoyait d’aller au concert de Bono. Il mit son réveil à vingt heures puis s’endormit d’un trait.


Article rédigé par: Julien Bourlon le 30/05/09
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