Un phare dans l'océan

Les idées de la révolution


- Julien, viens voir, c’est Marc Couturier à la télé.
- Qui ?
- Le mec arrivé quatrième à la présidentielle de 2012 et qui veut créer un nouveau pays à l’intérieur de la France.
- Ha ! Je reste avec mes filles mais fais-moi un retour quand l’émission sera finie.

Victor, retourna à son poste de télévision pour écouter l’ex-candidat à la présidentielle. Le présentateur, Jérôme Poivre commençait l’interview.
- Bonjour Marc Couturier, vous êtes député de Seine-Saint-Denis depuis 2012 et vous vous êtes déclaré hier à la présidence de la république qui aura lieu dans dix huit mois en 2017. Vous avez trente-cinq ans et vous dirigez le parti politique « France pour tous » dont vous êtes le seul député. Alors comment comptez-vous gagner cette campagne où vous êtes crédité de 5% dans les sondages ?
- Bonjour à tous et merci Jérôme de m’avoir invité. Mes trente-cinq ans me donnent l’énergie nécessaire au changement. Les grands hommes d’état français ont accédé très jeunes aux plus hautes fonctions que ce soit Napoléon qui fut général à vingt-cinq ans ou Louis XIV qui commença à régner réellement à vingt-deux ans. Je considère mon âge comme un avantage car la jeunesse est synonyme de nouveauté, de changement, d’innovation et c’est justement ce dont la France a besoin après cinquante ans de pratiques identiques qui nous ont menées au chômage permanent, à la précarité ou à la dette que l’on ne peut plus payer. Si mes trente-cinq ans me permettent d’oser, ils me donnent également l’expérience nécessaire pour exercer la fonction présidentielle avec un programme cohérent et une certitude : celle de sauver la France du marasme économique tout en donnant une nouvelle espérance au monde …
Jérôme Poivre le coupa :
- Justement, à la lecture de votre programme, vous voulez donner un morceau du territoire français pour créer un nouveau pays. N’est ce pas affaiblir la France que de lui retirer un morceau de territoire ?
- Non et je vais vous expliquer pourquoi. Nous allons donner progressivement un territoire au nouveau pays dont le nom temporaire est Hope. Nous commencerons par la création d’une ville d’un million d’habitants ce qui nécessite un carré de 10 kilomètres de coté soit 0,02% du territoire de la métropole. Je connais un propriétaire terrien en Creuse qui m’a fait une proposition financière pour acheter ses terres et créer la première ville. Aucun français ne devra se déplacer pour libérer de la place aux nouveaux immigrants et 0,02% du territoire perdu est complètement insignifiant pour la grandeur de la France. Par contre et c’est important pour notre pays, les habitants de Hope vont être des consommateurs de produits fournis par les entreprises dont l’actionnaire sera l’état français. A chaque fois qu’ils téléphoneront, boiront un verre d’eau, prendront l’autoroute ou gareront leur voiture dans un parking, ils donneront leur argent à nos entreprises dont les dividendes permettront de payer notre dette sociale. Si l’on ne crée pas Hope, les français de moins de 40 ans devront travailler jusqu’à 70 ans pour toucher une retraite de misère en ayant cotisé des fortunes. Comment peut-on dire que la France est un grand pays si elle prend ses habitants pour des idiots en leur demandant de cotiser sans jamais leur redistribuer leur argent ? Avec les nouveaux consommateurs de Hope pour enrichir le système, nous continuerons d’avoir des pensions relativement élevées et de partir en retraite après 40 ans de travail. Une France qui tient ses engagements vis-à-vis de ses futurs malades ou de ses futurs retraités est un grand pays. Donner un petit morceau de territoire n’affaiblit pas la France puisqu’elle gagne en retour, la confiance retrouvée de ses citoyens.
- Dans votre programme, vous ne vous contentez pas d’un million d’habitants mais vous parlez de cinquante millions. N’est-ce pas énorme par rapport aux 65 millions de français que nous sommes ?
- Pour que l’impact du nouveau pays ait une incidence significative sur notre économie, sa population doit être similaire à la nôtre. Cinquante millions d’habitants représentent cinquante villes soit 1% du territoire français puisque le nouveau pays sera constitué que de villes avec une campagne et une agriculture qui resteront françaises.
- Comment allez-vous trouver des emplois pour cinquante millions d’immigrants si nous ne sommes pas capables de trouver du travail pour trois millions de nos compatriotes ?
- Le nouveau pays aura sa propre monnaie qui sera indexée sur l’euro. Comme pour la monnaie chinoise, celle-ci sera dévaluée de manière à encourager toutes les entreprises d’Europe à délocaliser leurs industries dans ces villes au lieu d’aller en Chine ou en Inde. Hope va devenir un atelier du monde concurrent des pays à faible coût de main d’œuvre sachant qu’elle aura les avantages de parler français et anglais et sa position en Europe diminuera les coûts de transport tout en donnant une grande réactivité. Sa main d’œuvre formée, sa corruption inexistante ou la valeur de sa monnaie constante par rapport à l’Euro seront autant d’atouts qui donneront une grande confiance aux entrepreneurs du monde entier. Le boom économique du nouveau pays rejaillira sur la France puisque toutes les villes de Hope seront reliées par le TGV ou des autoroutes et les réseaux d’eau, d’électricité ou de fibre optique passeront nécessairement par le territoire français. Construire toutes ces infrastructures créera des millions d’emplois pour la France. Comme dans la période d’après guerre où tout était à reconstruire, la France retrouvera le plein emploi.
Le discours de Marc était simple et limpide. Le présentateur n’arrivait pas à contrer ces arguments mais il espérait que ses prochaines questions piège déstabiliseraient le jeune candidat.
- Comment contrôlerez-vous les flux des cinquante millions d’immigrés qui devront nécessairement passer par la France pour aller d’une ville à l’autre ?
- C’est une question encore en débat dans mon parti. Une première solution serait que les voyages soient effectués en TGV sans que celui-ci ne s’arrête en France. C’est le principe de l’avion qui fait Paris-Pékin sans que ses passagers aient de visa pour la Russie qu’ils survolent pendant plusieurs heures. Une deuxième solution serait que chaque immigré ait une puce GPS qui soit activée si celui-ci disparaît de Hope. Bref, nous avons des solutions, il reste à en choisir une. Evidement les habitants de Hope pourront voyager en France avec un visa touristique.
- Si vous voulez réimplanter toute l’industrie à Hope, comment allez-vous alimenter toutes les usines en énergie sans augmenter la pollution ?
- Je me suis rapproché du gouvernement algérien. Nous avons un accord de principe pour construire des millions de panneaux solaires dans le sud du Sahara. Toutes ces usines solaires seront reliées via un câble sous marin au réseau d’électricité français. L’énergie utilisée sera donc entièrement renouvelable et nous ne seront plus obligés de payer le pétrole de l’Arabie Saoudite pour qu’elle finance l’islamisation du monde.
- Nous serons dépendants de l’Algérie pour notre approvisionnement en électricité. N’est-ce pas dangereux ? Et d’ailleurs comment protégerons-nous ce câble sous marin d’éventuelles attaques terroristes ?
- Comme entre la Russie et l’Allemagne, nous allons construire un énorme oléoduc qui sera posé au fond de la mer. Au lieu que cet oléoduc transporte du gaz naturel, le nôtre transportera de l’électricité. Le principe est le même et l’existence de cet oléoduc sous-marin entre l’Allemagne et la Russie montre que ce projet est réaliste. Ensuite nous n’allons pas être dépendants de l’Algérie car une fois que nos usines solaires seront efficaces, nous signerons d’autres partenariats avec le Maroc, la Lybie, l’Egypte et tous les autres pays du Sahara. Ces pays laisseront nos usines tranquilles car nous les associerons à notre projet en leur fournissant de l’énergie propre. Au passage, la résolution du problème du réchauffement climatique demande des mesures globales et je viens de vous en proposer une.
- Tous ces projets coûtent très cher. Comment comptez-vous les financer ?
Marc Couturier attendait cette question. Il sourit car sa réponse était imparable.
- Tous les investissements seront réalisés par des entreprises. Pour certaines d’entre elles, l’actionnaire sera l’état français, pour d’autres, les actionnaires seront privés. Comme cela se fait depuis des centaines d’années, les entreprises financeront leurs investissements en allant voir les banques et pour les plus riches d’entre elles en utilisant leur capitaux propres. Les profits seront rapides car la population de Hope sera bien formée et les débouchés des entreprises considérables avec la possibilité d’inonder le marché européen. Ainsi investir à Hope permet un retour sur investissement très rapide et il suffit de 10% des milliards de dollars investis en Chine pour que le financement du développement de Hope soit assuré.
Jérôme Poivre attaquait sa dernière question. Il avait sous-estimé son invité et n’arrivait pas à trouver la faille dans son raisonnement.
- Pour l’économie de Hope, vous souhaitez qu’elle soit planifiée lors des premières années et que les prix soient fixés par l’Etat. N’est-ce pas totalitaire ?
- Non ce n’est pas totalitaire car la planification sera une période de courte durée avec des capitaux essentiellement privés. Elle est nécessaire pour former tous les nouveaux immigrants à un travail, leur donner une première épargne, leur apprendre le français, la démocratie et l’entreprenariat. L’économie sera libérale, mais partout où il ne peut pas y avoir de concurrence, les entreprises seront possédées à 51% par l’Etat avec le reste du capital coté en bourse et distribué à hauteur de 20% aux salariés pour les intéresser aux résultats de leur entreprise. Votre deuxième question concerne le prix des matières agricoles ou des médicaments qui sont fixés par une institution. Cela s’appelle le commerce équitable. Nous fixons un prix juste pour que le producteur et le consommateur trouvent leurs avantages.
Le présentateur était désarmé par toutes ces réponses. Le temps de l’interview était fini, il devait conclure
- Mr. Couturier, êtes-vous communiste ?
- Non, je ne l’ai jamais été et je ne le serais jamais. J’aime trop la liberté pour la donner à l’Etat.
- Merci d’avoir répondu à nos questions et merci à tous de nous avoir suivis.

Victor éteignit le poste de télévision pour rejoindre Julien qui jouait dans le jardin avec ses deux filles.
- Tu devrais vraiment écouter ce que dit Marc Couturier, il est vraiment différent des autres candidats
- Qu’est ce que ça change à mon quotidien ? J’ai encore trente ans avant ma retraite !
- Tu pourrais quand même penser à tes filles et puis avec le nouveau pays, cela va nécessiter la construction de villes entières qui vont créer des millions d’emplois.
- Cela ne devrait pas avoir d’impact sur mon agence de voyage. Mes clients sont des touristes étrangers et ça m’étonnerait que les futurs habitants du nouveau pays aient les moyens de s’offrir mes services si nous les payons avec un lance-pierre.
- J’ai lu le programme de Couturier et il explique comment il souhaite inventer puis tester une nouvelle manière de vivre ensemble à Hope avec, par exemple, un système pour remercier des bénévoles ou une nouvelle manière d’éduquer les enfants. Si les tests sont concluants, la France pourra adopter ses nouveautés.
Julien écoutait Victor d’une oreille distraite préférant continuer à jouer avec Andréa et Sophie, ses deux filles de six mois et deux ans. Après un silence, il répondit à son ami
- Le temps de créer Hope, mettre en place le système puis le tester et nous avons dix ans de plus. Je vis au jour le jour alors ne me parle pas d’un truc hypothétique dans dix ans.
- Tes filles n’auront que 10 et 12 ans et puis avec Hope, tu pourras ouvrir ton entreprise très facilement avec une main d’œuvre pas chère pour vendre tes produits aux anglais, allemands ou espagnols. Tu pourras devenir riche !
Julien n’était pas d’humeur à continuer la conversation.
- Ecoute Victor, la politique ce n’est pas mon truc. Avec ma femme, nous allons voir des amis que j’avais rencontrés en Australie. Peux-tu coucher mes filles pendant que je me prépare ?
- Ok, amuse-toi bien.


Article rédigé par: Julien Bourlon le 30/05/09
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