Un phare dans l'océan

Julien découvre Spirit


L’année 2025 fut difficile pour Julien qui se fit larguer par sa femme avant de perdre le procès de la garde de ses deux filles. Face à son désarroi, les services secrets le laissèrent un peu tranquille mais avec les attentats qui commençaient, il devait reprendre les missions. Mohamed, le jeune homme qu’il avait formé et avec qui il était parti en Russie en 2022 avait découvert que l’amant d’Ai-Li Martin, Yves Robinot avait eu une réunion avec la mafia russe fin janvier 2026, soit quelques jours après l’attentat qui avait fait plus de 800 morts à New Vegas. Lors de la réunion des services secrets qui suivit, les nouvelles n’étaient pas meilleures avec la mouvance islamique qui commençait à menacer Spirit, une ville ouverte à Hope en 2025 pour représenter les 50 religions et philosophies majeures du monde.
- Julien, tu vas partir à Spirit pour vivre pendant trois mois dans l’école islamique des shiites. Nous envoyons un autre agent à l’école des sunnites, un chez les juifs et un dernier chez les chrétiens catholiques. Pour ta famille, tu leur diras que tu as besoin de te ressourcer après ton divorce particulièrement douloureux et pour ton agence de voyage, nous avons nommé un gérant qui s’en occupera parfaitement. As-tu des questions ?
- Combien de temps dure la mission et que dois-je faire ?
- Tu suivras une formation à la religion shiite de trois mois, dispensée par les imams, sachant que tu peux rentrer officiellement tous les week-ends. Ton but est de déjouer les éventuels attentats qui pourraient avoir lieu contre l’école islamique shiite. De très nombreux intégristes voient d’un mauvais œil la ville Spirit qui prône l’égalité des religions et notamment les intégristes musulmans, juifs et chrétiens. Les bouddhistes, les taôistes, les hindouistes ou autres confucianistes n’ont pas cette notion de dieu unique et de vérité révélée. Du coup, je ne crois pas à une attaque terroriste contre leurs écoles qui sont moins dogmatiques.
Mohamed intervient :
- Crois-tu que les intégristes musulmans vont vouloir détruire les écoles islamiques et donc tuer leurs frères musulmans ? C’est contre l’esprit du Coran qui dit que seul Dieu peut juger un autre musulman !
- C’est ce qu’ils font toujours. Ils considèrent que les moines ou les imams qui ont accepté d’enseigner à Hope ont trahi leur religion et méritent la mort. On peut dire qu’ils manquent de tolérance…
Julien reprit la parole
- A-t-on des pistes, des menaces ?
- Voici les liens Internet, je te laisserai les visionner mais avant, je te conseille de faire un tour sur Wikipedia pour en apprendre davantage sur la ville Spirit. De ton coté, Mohamed, tu repars en Russie pour suivre les mafieux qu’Yves Robinot a rencontrés.

Julien suivi les conseils de son chef et lu l’article sur la ville Spirit dans l’encyclopédie libre. « Avec une population de 50 000 personnes, c’est la plus petite ville de Hope. Elle a ouvert en janvier 2025 et accueille les écoles et monastères des principales religions ou philosophies du monde. Les objectifs de cette ville sont nombreux : 1) Apprendre au moins deux religions ou philosophies à tous les élèves de Hope intéressés par la spiritualité. Ceux-ci passeront six mois dans deux écoles spirituelles différentes en remplacement du stage en entreprise lors de leur année de licence. 2) Permettre aux religieux de donner leur avis sur les faits de société et notamment les progrès scientifiques. Ils ont tous un blog qu’ils doivent tenir à jour pour partager leur position avec le reste de la population 3) Tester une nouvelle manière de gouverner avec les dirigeants de la ville Spirit, qui seront les 50 maîtres des 50 écoles 4) Partager clairement le savoir des religions avec un secrétaire par école qui répond aux questions existentielles telles que « Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? ». Toutes les réponses sont regroupées dans un tableau de synthèse accessible par Internet. »
Julien s’arrêta de lire l’encyclopédie et pensa « Pas étonnant que les intégristes veulent faire la guerre ! On remet en cause le dogme. Le tableau fait des comparaisons et enlève le caractère sacré…ça va saigner… bon, regardons les vidéos»
Les vidéos étaient incroyablement nombreuses avec des barbus d’Arabie Saoudite, du Pakistan et d’Afghanistan qui promettaient la fin de Spirit et de Hope. Les images étaient toutes plus choquantes les unes que les autres avec des personnes lapidées, des enfants déchiquetés dans des explosions ou des décapitations. Julien s’amusa d’une vidéo qui espérait calmer les intégristes en disant « Si vous touchez à Spirit, je fais exploser vos villes saintes en commençant par la Mecque ». Julien commençait à comprendre l’ampleur de la révolution voulue par Marc Couturier qui ne se limitait pas à la démocratie participative et à une nouvelle donne économique. Il voulait que les hommes apprennent la liberté en leur donnant le choix, mais cela était contraire au dogme religieux qui demandait de croire aveuglément. A chaque fois que Julien pensait à Marc Couturier, il se disait « Hé bien, tu nous as mis dans la merde ! Dire que j’ai voté pour toi…»

Le lendemain, il fit ses bagages et rejoignit Spirit qui se trouvait dans le Cantal, pas très loin du Puy Marie. Le froid était glacial sur ces plateaux balayés de neige et la route particulièrement glissante. Après un petit accident sans gravité, il rejoignit le parking de l’école musulmane shiite. Il était onze heures du soir et tout le monde semblait dormir. Pas un seul bar, pas une seule lumière, rien que la nuit gelée et les ombres des bâtiments légèrement éclairés par une lune cachée derrière les nuages. Julien grelotta, alluma sa lampe de poche et se dirigea vers ce qui devait être le dortoir du monastère. Il frappa à une porte et réveilla un gros moine qui le salua. On ne lui demanda pas son nom, mais on lui proposa du thé et un couchage pour la nuit. Julien accepta puis s’allongea sur la paillasse qu’on lui avait désignée. Il s’endormit d’un trait, épuisé par la route.

Le lendemain, Julien se présenta au responsable de l’école et on l’inscrivit à une session d’initiation de trois mois qu’il rejoignit quelques minutes plus tard. L’Iman qui animait la session demanda à Julien de se présenter :
- J’ai 46 ans et après mon divorce l’an dernier, j’ai eu besoin de revenir aux vraies valeurs de la vie. Ça fait 20 ans que je travaille comme un con et pourquoi ? Pour voir ma femme et mes deux filles partir du jour au lendemain. Depuis, j’ai la haine et je suis venu pour soigner mon cœur.
L’Imam lui demanda :
- Etes-vous musulman ?
- J’ai étudié l’islam mais je ne me suis jamais converti.
- Dans cette école, tu n’as pas besoin d’être musulman. Assieds-toi parmi nous et concentre-toi pour écouter la parole de Dieu. Si tu l’écoutes, tu te sentiras apaisé.
Julien regarda les autres élèves. Ils venaient tous de Hope, avaient entre 20 et 30 ans et parlaient tous français, mais préféraient souvent échanger en arabe. L’agent des services secret cacha évidement qu’il parlait arabe.

Après cette première prière, Julien parti visiter la ville que l’on pouvait parcourir à pied et entra dans quelques monastères ou temples. Il n’y avait pas de force de l’ordre, pas de tribunal, pas de téléphone, pas d’Internet, pas de bars ni de kiosque à journaux. Les quelques magasins vendaient de la nourriture, des vêtements et des meubles tandis que deux grosses fermes se trouvaient à la lisière de la ville. Julien aimait bien ce lieu paisible où tous les bâtiments étaient en bois, en tuile ou en pierre de taille, à l’exception de l’école des évolutionnistes. Leurs bâtiments étaient en acier et en verre avec des moines qui s’habillaient en jeans et qui ne priaient jamais. Internet était en libre service et dans leur temple, les héros scientifiques avaient remplacé les saints. Julien se promit d’y revenir plus tard mais pour l’instant, il devait rentrer à son monastère. Après une petite inspection, celui-ci n’était pas complètement coupé du monde car l’ayatollah, responsable de l’école, accédait à Internet pour faire les publications demandées par le gouvernement de Hope. Dans les jours qui suivirent Julien essaya de se lier d’amitié avec les étudiants qui semblaient les plus croyants mais il se rendit compte que ceux-ci avaient également reçu une initiation à d’autres religions qui leur avait ouvert l’esprit. Pour avoir côtoyé les terroristes 20 ans plus tôt, Julien savait que la ville Spirit ne formerait pas des fous de Dieu et que la menace ne viendrait que de l’extérieur.

Après cette première semaine au vert, Julien comprit que sa vie monastique allait lui permettre de faire le point sur lui-même et que pour une fois, sa mission tombait bien.


Article rédigé par: Julien Bourlon le 10/06/09
Ce document n'a jamais été modifié
";

Page : 1/1


Article par page

Modifier article
Imprimer article
Exporter article
Commenter

0 commentaire


Notez le !
1 2 3 4 5


Notes : 3,0/5


Personnes ayant
 - vues l'article : 2674
 - votées : 15