Un phare dans l'océan

L’emploi à Hope


L’officiel français qui l’avait reçu la veille, l’attendait pour lui remettre la liste de ses cinq entretiens d’embauche. Ce point dura 20 minutes pendant lesquelles Jasur put poser ses questions. Les interviews étaient pour les emplois suivants : responsable d’une ligne de production qui fabrique des pompes de voitures, ingénieur pétrolier avec 4 mois sur 12 en Sibérie, développeur informatique, ingénieur en bâtiment dans les équipes de construction de Sphères ou adjoint au commissaire de police. Jasur fut surpris par l’hétérogénéité des emplois proposés, mais à 25 ans il avait peu d’expérience professionnelle à valoriser et son diplôme d’ingénieur obtenu avec mention en Russie, montrait qu’il avait un esprit cartésien. Il se montra satisfait et l’officiel français lui donna l’heure de ses rendez-vous. Les deux premiers avaient lieu le lendemain et les trois derniers le vendredi. Les cinq entretiens se passèrent très bien et il put choisir le métier qu’il voulait : ce serait adjoint au commissaire de police. Le vendredi soir, pour fêter son nouveau poste, il invita son ami Sarvar. Ce dernier n’avait pas encore d’emploi mais il avait commencé le processus de recrutement. Jasur voulait savoir comment ça c’était passé pour son ami :
- Quelles ont été tes propositions pour les entretiens d’embauche ?
- J’ai eu dans l’ordre : Participer en tant que technicien à la mise en place du réseau Wifi dans les sphères, peintre en bâtiment pour décorer l’intérieur des bâtiments publics, diplomate pour Hope en Ouzbékistan avec comme mission de convaincre de nouveaux arrivants, agriculteur dans une ferme française et enfin journaliste pour raconter le quotidien de la création de Hope. J’avais émis le souhait de devenir diplomate et je pensais que c’était un vœu pieux mais j’ai eu le droit de passer l’entretien jeudi dernier. J’ai été refoulé, alors je suis retourné voir l’officiel français pour qu’il me montre la liste des postes vacants. Un poste de bibliothécaire était accessible et mon entretien a lieu mardi prochain. Je n’étais pas allé aux autres interviews, alors l’officiel m’a réprimandé et m’a pris de nouveaux rendez-vous qui auront lieu lundi et mardi avec obligation d’y aller. Il m’a dit que la seule manière de me faire une idée sur ces emplois potentiels était d’y aller et que suivant les postes, les salaires et les perspectives de carrière n’étaient pas les mêmes. Au juste, tu sais comment l’ordinateur choisit les interviews car c’est quand même bizarre, ce poste d’agriculteur ?
- Les français ont fait une étude pour déterminer les emplois où on avait le plus de chances de réussir en fonction de nos diplômes, du travail de nos parents ou de nos goûts. L’ordinateur suit les résultats de cette étude pour déterminer un poste, puis il fait ce qu’il peut en fonction des emplois disponibles. C’est super puissant car il est capable de te proposer des emplois auxquels tu n’aurais jamais pensé mais où tu as de grandes chances de réussir !

Jasur commença son poste au commissariat le lundi matin où il fut reçu par Aurélien Vaucresson, un français de quarante-huit ans qui avait été nommé responsable de la police à Hope pour trois ans. Son rôle était de former la future police du pays et son successeur. Il avait été nommé par le ministre suite à ses excellents états de service et ses qualités humaines qui mettaient les gens à l’aise. L’entretien avec Jasur dura quelques minutes « Tu seras formé sur le tas, pour l’instant nous n’avons pas de crime ni de plainte mais cela devrait bientôt arriver. Tu travailleras avec Roger Bertelot qui était avec moi à la criminelle. Je vous laisse car je dois voir Yvette que j’ai nommée responsable de la brigade financière. Avec le nouveau système informatique, les fraudes arrivent toutes seules et elle n’a pas besoin de se lever de sa chaise. A bientôt.»

Le salaire de Jasur était de 2000 euros hopiens par mois soit l’équivalent de 200 euros. Ce salaire était correct car il pouvait se loger pour 600 euros hopiens et se nourrir pour 300. De nombreuses marques pratiquaient à Hope leur grille tarifaire africaine avec, par exemple, le Sprite à 10 centimes d’euros. Les services comme l’eau, le téléphone ou les transports en commun coûtaient le même prix qu’en Afrique, à savoir 5 fois moins cher qu’en France pour un service équivalent. Pour le reste, Hope disposait de grands magasins achalandés des produits que les européens jetaient. Ceux-ci étaient repackagés dans les usines de Hope avant d’être vendus à des prix imbattables. Pour s’offrir les produits dernier cris, il fallait attendre que les usines de Hope tournent à plein régime et produisent des ordinateurs, des télévisions ou des téléphones vraiment bons marchés.

Si Jasur avait rapidement trouvé ses marques, Sarvar eut besoin de plus de temps. Son entretien pour l’installation du réseau Wifi ne l’intéressait pas malgré son cursus où il avait appris les règles de l’électricité et l’entretien ne dura que quelques minutes. Le métier suivant était peintre en bâtiment pour lequel il pouvait laisser libre court à sa créativité dans les limites tolérées de son futur responsable potentiel qui était un péruvien de 40 ans, arrivé à Hope il y a deux semaines et qui avait été nommé responsable de la décoration de l’école maternelle suite à des fresques murales qu’il avait peintes dans son pays. Sarvar s’était décrit comme aimant les activités manuelles avec un esprit créatif. Ce poste était finalement logique mais le courant ne passa pas entre lui et le péruvien. Le lundi soir, il était un peu déprimé. Il repensait à son entretien de jeudi dernier avec l’adjointe de l’ambassadeur français en Ouzbékistan. C’était une femme de trente-cinq ans qui s’appelait Virginie. Elle lui avait présenté en photo l’ambassade de Hope en Ouzbékistan qui était située au sein de l’ambassade française. Tous les jours, son métier aurait consisté à suivre pendant deux heures l’ambassadeur pour se former, puis il aurait dû consacrer les six heures restantes de sa journée de travail à convaincre des Ouzbeks de rejoindre Hope. Cet emploi semblait correspondre à ses attentes, mais Sarvar ne voulait pas retourner dans son pays alors qu’il aimait sa nouvelle vie à Hope. Pour la suite de l’entretien, il s’était montré peu motivé et avec un tel comportement, la réponse de Virginie fut négative. Même si le lundi s’était mal passé, Sarvar avait encore trois entretiens à passer mardi et si ceux-ci s’avéraient défectueux, il pouvait redemander de nouveaux entretiens à son « tuteur ».Le mardi il se rendit à l’entretien pour être agriculteur. Il avait vécu à la campagne mais il préférait la ville. L’entretien avec Bernard, un éleveur de mouton de 50 ans fut bref d’autant que ce dernier ne parlait pas anglais, seule langue européenne dans laquelle Sarvar connaissait quelques mots. La cinquième interview était le poste de journaliste. Il fut reçu par Emma, une jeune américaine de 23 ans qui était arrivée la première semaine après de brillantes études de journaliste dans son pays. Elle était responsable de la page « jeune » du nouveau journal qui venait d’être créé : « Daily Hope ». Celui-ci serait écrit en français et en anglais. Comme le traducteur ouzbek-anglais-français était très performant, Sarvar pouvait écrire directement en ouzbek en attendant de parler français couramment. Emma était très jolie et Sarvar aimait les livres. Pourquoi pas être journaliste ! Il s’appliqua à donner le meilleur de lui-même, s’inventa un poste de rédacteur dans son université et assura qu’il était aussi intègre qu’un journaliste pouvait l’être. Le dernier entretien était pour le poste de bibliothécaire du lycée. Sarvar rencontra la directrice qui était une française de 44 ans qui malgré un très bon poste en France, avait décidé de tenter l’aventure à Hope. Avant de diriger ce qui allait être l’école de Hope, Viviane avait été professeur de musique, puis directrice dans un collège français avant d’être nommée directrice d’un lycée parisien prestigieux suite à son excellent parcours. Elle aimait la diversité des cultures et elle avait été emballée lorsque le ministre de l’éducation française lui avait proposé ce rôle clé de directrice de l’école de Hope. Son salaire en euros allait baisser mais comme tout est moins cher à Hope, son pouvoir d’achat allait être multiplié par deux. Sarvar fut séduit par les qualités humaines de cette femme dynamique mais finalement le poste de bibliothécaire n’était pas si intéressant.

Le mercredi, Sarvar devait revoir son tuteur à la bourse de l’emploi pour l’informer des métiers qu’il souhaitait exercer et ceux qu’il n’aimait pas. De même les recruteurs avaient rempli un formulaire via Internet pour indiquer les candidats qu’ils avaient jugés aptes et ceux qu’ils refusaient. Sarvar accepta uniquement le poste de journaliste et attendit la réponse. Son tuteur avait grise mine car la journaliste Emma ne l’avait pas retenu. En fait, tout le monde refusait Sarvar et l’officiel français lui donna une formation de trois jours pour réussir ses entretiens. Ensuite, il aurait à nouveau des propositions d’emploi mais au bout de quarante refus, la règle était un retour dans le pays d’origine. Hope offrait l’éducation gratuite, la sécurité, la propreté… qu’aux gens qui participaient aux frais en payant des taxes sur leur rémunération. C’était rude mais il fallait que tous les habitants de Hope comprennent que dans la vie, on n’a rien sans rien.


Article rédigé par: Julien Bourlon le 01/06/09
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